Encadrer les pratiques numériques : quel cadre législatif ?

Loi numériqueL’invasion des écrans dans notre univers et celui de nos enfants a induit un véritable bouleversement sociétal. Et les jeunes sont exposés de plus en plus tôt aux écrans… Fort de ce constat, le législateur a choisi d’encadrer les pratiques numériques par des textes de lois aussi symboliques qu’efficaces. Ou comment préserver la vulnérabilité des mineurs !

Instaurer une majorité numérique

Depuis la loi du 7 juillet 2023, une majorité numérique est nécessaire pour s’inscrire seul sur les réseaux sociaux. Cette disposition vient contrer le fait que la moitié des enfants de 10 à 14 ans sont présents sur de telles plateformes, malgré l’interdiction théorique prévue dans leurs conditions générales d’utilisation. D’après la CNIL, la première inscription sur un réseau social se ferait en moyenne vers l’âge de 8 ans et demi. Un âge qui, à lui seul, justifie la volonté de légiférer sur la présence des mineurs en ligne !

Qu’est-ce que la majorité numérique ?

C’est l’âge à compter duquel un internaute n’a plus besoin d’obtenir l’autorisation de ses parents pour s’inscrire sur les réseaux sociaux. Fixée à 15 ans, cette majorité numérique permet de créer un repère utile pour les parents comme pour les jeunes enfants. Désormais, il est inscrit dans la loi que les réseaux sociaux ne sont pas un espace numérique sûr pour les plus jeunes. En revanche, à compter de cette date, le législateur estime que l’adolescent est suffisamment mature pour maîtriser son image et ses données personnelles et qu’il est en mesure de donner son consentement pour que ses données soient utilisées par des services en ligne.

Qu’est-ce qu’un réseau social ?

Il était absolument nécessaire d’apporter une définition des réseaux sociaux pour éviter que certaines plateformes se dédouanent de leurs responsabilités face à la protection des plus jeunes. Aussi, d’après le législateur, un réseau social est : « toute plateforme permettant aux utilisateurs finaux de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils. Et en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations ».

Mettre les réseaux sociaux face à leurs responsabilités

Chaque réseau social a désormais l’obligation de refuser l’inscription des enfants de moins de 15 ans sans l’accord de leurs parents. Il est de même pour les comptes déjà créés. À charge pour eux de trouver la solution technique pour recueillir la preuve de l’autorisation parentale ! Cette nouvelle obligation est assortie d’une amende pouvant atteindre 1% de leur chiffre d’affaires mondial.

Si le mineur a l’autorisation de ses parents, le réseau social n’est pas pour autant dispensé de toute obligation. Il pèse sur lui une obligation d’informer les moins de 15 ans et leurs parents sur les risques des usages numériques. Il doit également permettre aux parents qui en font la demande de suspendre le compte de leur enfant. Enfin, il appartient au réseau d’activer un dispositif de contrôle du temps passé en ligne par le mineur au moyen de notifications régulières.

Démocratiser le contrôle parental

La loi Studer du 2 mars 2023 vise à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet. En 2019, seulement 38% des parents recouraient à des dispositifs de contrôle parental. Dans le même temps, l’âge pour avoir son premier smartphone était en moyenne de 10 ans. Au-delà du fait de se connecter de plus en plus jeune, les temps de connexion sont également de plus en plus longs, avec le risque d’exposer nos enfants à des contenus inappropriés. On estime qu’à 12 ans, un tiers des enfants est déjà tombé sur du contenu pornographique. Avec cette loi, le législateur entend préserver davantage la navigation des plus jeunes.

Qu’est-ce qu’un contrôle parental ?

Un dispositif de contrôle parental est une fonctionnalité ou [un] logiciel qui permet de restreindre l’accès à certains contenus en ligne. Son activation doit permettre de protéger l’enfant d’une exposition à des contenus choquants, violents ou pornographiques. Il existe déjà sur le marché de nombreux dispositifs de ce type. Mais leur coût et leur difficulté d’installation sont un frein à leur utilisation massive. Son but est donc de généraliser, voire de rendre systématique, le recours à un contrôle parental en l’associant directement à l’appareil connecté.

Quels sont les appareils concernés par le contrôle parental ?

À compter du 1er juillet 2024, les fabricants d’appareils connectés auront l’obligation de pré-installer un dispositif de contrôle parental. Et aussi d’en proposer l’activation gratuite dès la première mise en service de l’appareil. Entrent dans le champ d’action de la loi Studer les ordinateurs, smartphones, tablettes, consoles de jeux vidéo et autres objets connectés tels que les téléviseurs, les montres ou encore les enceintes. Cette obligation touche également les appareils connectés déjà présents sur le marché ainsi que le marché des appareils connectés reconditionnés.

Quelles sont les fonctionnalités minimales attendues par ces contrôles parentaux ?

Les décrets d’application relatifs au contrôle parental font état de deux fonctionnalités minimales qui devront impérativement faire partie de tous les contrôles parentaux mis sur le marché. À savoir le blocage du téléchargement des applications dont l’accès est interdit aux mineurs ainsi que le blocage de l’accès aux contenus installés sur les terminaux et dont l’accès est interdit aux mineurs. Consultée sur le contenu des décrets, la CNIL a rendu un avis favorable. Cependant, elle recommande l’introduction de fonctionnalités complémentaires telles que l’établissement d’une liste noire interdisant l’accès à des sites ou catégories de sites préalablement déterminés par les parents ou d’une liste blanche limitant la navigation aux seuls sites autorisés par les parents.

Réguler l’activité d’influenceur

Après les différents scandales qui ont secoué le monde de l’influence, et notamment la vague de dénonciation sur les réseaux sociaux des « influvoleurs », il était urgent de donner un cadre légal à l’activité d’influenceur. Et surtout de protéger les consommateurs contre les abus et les arnaques liés à cette activité. C’est chose faite avec la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Une disposition unique en Europe !

Créer un statut légal spécifique aux influenceurs

De la même manière que pour les réseaux sociaux, les influenceurs font désormais l’objet d’une définition légale. Un influenceur est « une personne qui, contre rémunération ou avantages en nature, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer en ligne des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ». Aujourd’hui en France, on dénombre environ 150.000 influenceurs avec des notoriétés variables.

Responsabiliser les influenceurs

Un tiers des Français avoue suivre en ligne des influenceurs. Ce chiffre passe à 63% dès lors que l’on interroge les 18-25 ans. Dans un souci de transparence des informations données, les influenceurs devront désormais indiquer lorsque leurs photos sont retouchées. Mais aussi mentionner les termes « publicité » ou « collaboration commerciale » sur les contenus rémunérés.

Pour enrayer les dérives et autres arnaques liées à l’activité d’influence, ils ont également l’interdiction de mettre en avant des contenus faisant la promotion de la chirurgie esthétique, de produits et services financiers, d’abstention thérapeutique, de sachets de nicotine ou encore d’abonnements à des conseils et des pronostics sportifs. Leur responsabilité sera également directement engagée vis-à-vis des acheteurs en cas de dropshipping. En cas de non-respect, toutes ces obligations sont soumises à des peines de prison, de fortes amendes pouvant aller jusqu’à 300.000€, voire une interdiction d’exercer.

Le cas particulier des enfants influenceurs

Le législateur s’est également penché sur le phénomène d’exposition des enfants par leurs parents. Ainsi, le législateur a étendu les règles sur le travail des enfants youtubeurs à toutes les plateformes en ligne. Ces enfants sont désormais sous le coup de la protection du code du travail. Et leurs parents ont l’obligation de consigner une partie de leurs revenus jusqu’à leur majorité.


L’essentiel

  • Une majorité numérique est requise pour s’inscrire sur les réseaux sociaux.
  • Il appartient aux réseaux sociaux de s’assurer de la véracité de l’autorisation parentale avant d’ouvrir un compte à un mineur.
  • À compter de juillet 2024, tous les appareils connectés en vente devront être dotés d’un contrôle parental.
  • La loi réglemente la nature des contenus produits par les influenceurs.

Pour aller plus loin

Le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique a mis à la disposition des influenceurs et du grand public un « Guide de la bonne conduite des influenceurs et des créateurs de contenus ». Une bonne base à consulter avant de se lancer sur les réseaux sociaux !