Harcèlement : dans la tête d’un enfant harceleur !

harceleurs

Dinah, Lucas, Lindsay, Nicolas : autant de prénoms qui témoignent des conséquences dramatiques du harcèlement scolaire en ligne. Devenue une priorité nationale, la lutte contre le harcèlement est l’affaire de tous. Mais quand on est parent, il est difficilement concevable d’imaginer que son enfant puisse être un harceleur. Comment expliquer ce besoin de rabaisser l’autre, de lui faire peur, de l’exclure ? Mon enfant et les écrans vous donne des pistes de réflexion pour accompagner les harceleurs.

Le harcèlement scolaire, un fléau de notre société

Le 9 novembre dernier a eu lieu la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école. L’occasion de mobiliser la communauté enseignante, les parents et les enfants autour des questions du bien-être en milieu scolaire.

Qu’est-ce que le harcèlement ?

D’après le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, le harcèlement est le fait de faire subir à une personne de manière répétée dans le temps des violences volontaires avec pour objectif de nuire, voire de détruire l’autre. Ces violences peuvent être de nature psychologique, telles que des insultes, des railleries ou encore des menaces. Elles peuvent être également physiques et s’exprimer dans des coups ou des bousculades. Elles peuvent enfin être matérielles et toucher aux vêtements ou aux affaires personnelles. Théorisée par le psychologue Dan Olweus, cette définition permet de distinguer le harcèlement des autres comportements violents grâce aux trois dimensions qu’elle aborde : le pouvoir du harceleur, la fréquence des violences et la nature des agressions.

Les chiffres clés du harcèlement scolaire

Particulièrement féroce en milieu scolaire, le harcèlement est une composante de la vie quotidienne de nos enfants. D’après l’enquête nationale de climat scolaire et de victimisation auprès des collégiens pour l’année scolaire 2021-2022, près de la moitié des élèves avouent avoir été victimes d’au moins une violence de façon répétée durant l’année scolaire. Et 6,7 % de ces mêmes élèves déclarent avoir subi cinq atteintes répétées ou plus. Parmi les atteintes les plus fréquentes, on retrouve les vols de fournitures scolaires (54 %), les surnoms désagréables (44 %), les insultes (43 %) et les mises à l’écart (43 %).

Le cas particulier du cyberharcèlement

En ligne, le harcèlement trouve une caisse de résonance particulière. Sur Internet, une blague entre deux jeunes peut rapidement tourner à l’humiliation publique. En cause, l’effet mégaphone des réseaux sociaux qui rend les comportements plus oppressifs et qui décuple les effets de meute. Désormais, l’enfant harcelé subit des violences en continu. Il n’a nulle part où se cacher et ne souffre aucun répit. En créant une distance entre la victime et le harceleur à travers un écran, le cyberharcèlement a comme conséquence malsaine de flouter les frontières de l’intentionnalité et d’offrir à ceux qui le pratiquent un sentiment d’impunité totale.

Existe-t-il un profil type des harceleurs ?

On estime que 10 à 15% des enfants avouent avoir déjà harcelé d’autres de leurs camarades. Pour autant, tous les harceleurs n’ont pas le même profil. Véritable dynamique de groupe, le harcèlement implique à la fois des harceleurs actifs, des suiveurs passifs et des témoins silencieux.

Le harceleur actif en quête de popularité

Même si chaque situation de harcèlement est unique, les harceleurs ont souvent en commun le besoin d’accéder à un certain pouvoir au sein de leurs groupes de paris. Autocentrés sur leur propre puissance et sur le fait d’être dans la catégorie des « gagnants », ils en oublient le sentiment d’empathie et ne se sentent absolument pas concernés par le sort de leurs victimes. Provenant de tout milieu social, les harceleurs ne souffrent généralement ni de rejet social, ni de détresse psychologique, ni d’un déficit de compétences socio émotionnelles Ils expriment plutôt un mal-être qui les envahit à un moment donné de leur vie. Ils arrivent aussi que eux-mêmes ont déjà été victimes de harcèlement. S’attaquer alors à un plus faible, le dominer, permet de restaurer leur propre estime, de renforcer leur narcissisme et de maintenir un statut social prédominant.

Le suiveur passif qui a besoin d’appartenir à un groupe

Contrairement aux harceleurs actifs qui sont à l’origine des violences, les suiveurs passifs encouragent le harcèlement. En ligne, ils se font le relais des rumeurs et autres moqueries, ils likent ou commentent les publications incriminantes et partagent les discours négatifs ou les photos dans lesquelles les victimes apparaissent en mauvaise posture. Leur participation n’est pas dénuée de conséquences. D’ailleurs, les suiveurs restent des auteurs aux yeux de la loi, au titre de la « non-assistance à personne en danger ». En revanche, leurs motivations ne sont pas les mêmes que pour les harceleurs. Chez les suiveurs, il s’agit davantage de prouver sa loyauté envers le harceleur ou de défendre sa place au sein du groupe que de harceler à proprement parler.

Le témoin silencieux muselé par la peur

Par définition, les témoins silencieux sont ceux qui n’interviennent pas quand ils assistent à une situation de harcèlement. Que ce soit dans la vie réelle ou derrière leur écran, ils font semblant d’ignorer les violences qui se déroulent sous leurs yeux. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces témoins jouent un rôle capital dans la prise du harcèlement. En ne réagissant pas alors qu’ils ont le pouvoir d’interférer, ils participent à l’amplification du phénomène. En effet, sans témoins, il n’y a pas de cyberharcèlement. Si ces comportements sont souvent mus par la peur d’être harcelés à leur tour, il est nécessaire de sensibiliser les jeunes à l’absolue nécessité de se manifester auprès d’adultes de confiance (parents, communauté éducative, famille, …)

Comment réagir en tant que parents ?

Culpabilité, déni, souffrance, incompréhension, sentiment d’impuissance : les parents d’enfants harceleurs passent par des réactions émotionnelles très différentes les unes des autres. Une fois la sidération mise de côté, comment aider son enfant à se servir de cette expérience pour grandir ?

Prendre le temps de digérer la situation

Difficile d’admettre que l’enfant que l’on a élevé dans l’amour et le respect de valeurs humanistes puisse avoir fait subir un calvaire à un autre enfant ! Face à cette situation violente pour les parents, vous avez le droit d’avoir honte et de tomber des nues. Pour franchir le cap du choc émotionnel, vous avez également le droit de vous laisser le temps nécessaire pour digérer l’information. Pour vous aider à affronter cette étape difficile, commencez par déculpabiliser. Il est généralement admis que chez la majorité des enfants harceleurs, l’éducation des parents n’est pas en cause !

Accompagner son enfant sur la voie d’une évolution positive

En tant que parents, vous avez un rôle à jouer auprès de votre enfant pour l’aider à prendre conscience de la gravité et des conséquences de ses actes. Après un rappel à la loi, il faut réussir à lui faire entrevoir l’émotion chez l’autre. Dans une approche non-accusatrice, aidez-le à évoluer et à s’excuser par un mot, une lettre ou même de vive voix. Pour s’engager dans cette démarche, votre enfant devra automatiquement faire le deuil de sa position de grand chef. Cela ne signifie pour autant qu’il doit renoncer à l’envie ou au besoin d’être un leader. Il y a tellement de manières de s’affirmer positivement dans le sport ou dans une activité artistique…

Faire confiance aux professionnels

Dépasser une situation de harcèlement nécessite l’instauration d’un climat apaisé à la maison. Si vous n’avez pas la lucidité ou le recul nécessaire pour ce faire, n’hésitez pas à recourir à l’aide de professionnels. Commencez par coopérer avec l’établissement scolaire de votre enfant pour faire lui comprendre que la situation est sérieuse. Dans le cadre d’une confrontation, le personnel enseignant formé aux questions de harcèlement encourage les enfants, qu’ils soient victimes ou harceleurs, à exprimer ce qu’ils ressentent. En libérant la parole, ils sensibilisent aussi les témoins de l’impact de leur silence. En dernier recours, un psychologue peut être un partenaire idéal pour accompagner les harceleurs dans leur processus de remise en question.


L’essentiel

  • Près de 7% des collégiens sont victimes de harcèlement scolaire.
  • Pour briser le silence contre le harcèlement, il est essentiel d’encourager les jeunes à en parler avec des adultes de confiance.
  • En ligne, le harcèlement bénéficie d’une caisse de résonance qui décuple ses conséquences.
  • Un enfant sur dix a déjà harcelé l’un de ses camarades.
  • Il existe trois types de harceleurs : les harceleurs actifs, les suiveurs passifs et les témoins silencieux.
  • Le 3018 permet aux victimes comme aux témoins de dénoncer des actes de harcèlement en ligne.

Pour aller plus loin

La onzième édition du prix « Non au harcèlement » organisé par le ministère de l’Éducation Nationale avec le soutien de la Mutuelle MAE récompensera les productions d’affiches ou de vidéos des élèves du CP au baccalauréat qui souhaitent trouver des solutions pour lutter contre ce phénomène. La date limite d’envoi est fixée au vendredi 26 janvier 2024.

A regarder : France TV a consacré une soirée spéciale autour du sujet du harcèlement le 7 novembre dernier : « harcèlement scolaire briser le silence ».