Culture zapping : Jusqu’où nous mènera le règne de l’instantanéité ?

Pour faire face au déluge des données numériques quotidiennes, l’individu hypermoderne a développé un don d’ubiquité permanent. Regarder la télévision tout en surfant sur son smartphone, assister à une réunion tout en postant sur LinkedIn, régler ses dossiers tout en consultant ses mails : devenu monnaie courante, le multitâche a bousculé les codes du travail. Mais cette course à l’urgence permanente touche également nos enfants. Face à la cohorte des outils numériques qui les entourent, ils sont surexposés aux interruptions intempestives à tout moment de la journée. Mais cultiver ce zapping compulsif en sautant d’une sollicitation à l’autre, est-ce vraiment positif pour leur bien-être ? Développer une capacité multitâche, est-ce réellement un gage de performance ? Mon enfant et les écrans vous donne des éléments de réponse…

Apanage de nos sociétés modernes, le multitâche a fait irruption dans nos vies, et dans celles de nos enfants, avec l’explosion de la digitalisation. Un tourbillon numérique qui a bouleversé les habitudes de travail, à l’école comme en entreprise…

On désigne par multitâche toute situation où l’individu cherche à réaliser deux ou plusieurs activités simultanément ou d’une manière à ce qu’il alterne d’une activité à l’autre. Dans un univers où règne l’hyperconnexion, le multitâche s’est intensifié, densifié et « urgentifié ». Appels téléphoniques, mails, messages instantanés, notifications, réseaux sociaux : l’attirail technologique que l’on utilise au quotidien exige une ultra réactivité dont le rythme effréné peut vite nous submerger.

Dans le langage familier, le zapping désignait à l’origine le fait de regarder la télévision en changeant systématiquement de chaîne. Avec l’apparition des nouvelles technologies, le zapping a trouvé un second souffle en version numérique. Il évoque désormais le fait de surfer de site en site sur Internet, de scroller sur les réseaux sociaux ou encore de papillonner d’un appareil à un autre. Avec un dénominateur commun : le fait de ne jamais s’attarder trop longtemps ! Symptomatique de l’évolution de notre société vers une tendance à la consommation jetable, y compris dans les choix intellectuels, le zapping est désormais culturel.

De tout temps, les enfants ont été confrontés aux stimuli extérieurs. Bavardages intempestifs, échanges de mots, plaisanteries impromptues : l’univers scolaire notamment est fait de sollicitations permanentes qui nuisent à la concentration des plus jeunes. Toutefois, l’avalanche d’informations sur tous les supports numériques de nos enfants a fait entrer le multitâche et la culture du zapping dans une autre dimension. Autrefois réservée aux « geeks », l’hyperconnexion leur apprend à grandir dans un univers où ils se sentent davantage vivants et importants dans le monde virtuel. Et cette quête d’existence s’accompagne d’une perte de repères quant à l’urgence réelle des sollicitations auxquelles ils pensent devoir répondre coûte que coûte…

Contrairement aux idées reçues, le mythe du multitâche comme compétence positive est un leurre. Qu’il s’agisse des adultes dans leur univers professionnel, ou des enfants dans leurs exigences scolaires, la surcharge cognitive qu’inflige la gestion simultanée de plusieurs tâches se fait au détriment du bien-être comme de la productivité.

Le nouvel écosystème de travail qui s’est mis en place dans l’univers professionnel comme à la maison a banalisé le fait de subir des interruptions intempestives à coup de notifications sonores ou de signaux de réception de messages visuels. On estime qu’en moyenne, on est interrompu par une distraction toutes les 3 à 6 minutes. Mais c’est surtout la manutention qu’exige la gestion de cette avalanche d’informations qui vient empiéter sur ce que l’on est en train de faire. Si bien qu’il nous faut environ 12 minutes pour que le cerveau se reconcentre sur la tâche interrompue.

Stress numérique, fatigue mentale, cerveau en surcharge, frustration : chaque changement de tâche coûte en énergie et en fatigue. En sautant d’une tâche à l’autre, on oblige le cerveau à décrocher d’un sujet pour s’accrocher à un autre. Et ce zapping incessant a pour conséquence principale le fait que 41% des tâches interrompues ne sont en réalité jamais reprises. Ce qui place les adultes comme les enfants dans une situation paradoxale. D’un côté, chacun a le sentiment d’avoir été extrêmement productif tout au long de la journée en gérant de nombreuses tâches simultanément. D’un autre côté, à l’épreuve des faits, la réalité montre qu’il ne s’agit que d’une illusion de productivité. Ajoutez à cela le fait qu’être fréquemment interrompu est générateur de stress. On comprend que le multitâche nuit au bien-être, et ce, quel que soit l’âge.

Au travail, chacun a déjà fait l’expérience de la perte de performance due aux sollicitations incessantes. On considère que les interruptions intempestives font perdre environ 28% de productivité. Mais, au-delà des erreurs et autres étourderies caractéristiques d’un travail bâclé, le problème principal du multitâche tient dans les difficultés qu’il cause aux facultés d’attention. La culture zapping enseigne l’impossibilité de rester concentré sur une même tâche suffisamment longtemps. Et moins on a l’habitude de rester concentré sur une seule tâche à la fois, moins on est capable de résister aux distractions. C’est un cercle vicieux qui se manifeste concrètement dans un chiffre édifiant : le temps de concentration sur écran est passé de 3 minutes en 2004 à 45 secondes en 2010…

Chez les enfants, le multitâche est également lourd de conséquences. On pourrait penser que les générations nées au cœur de ces nouvelles habitudes de travail seraient plus enclines à gérer le stress numérique. Or, les études tendent à démontrer le contraire. Par ailleurs, l’effet zapping induit par le multitâche est clairement identifié comme un perturbateur de l’apprentissage. Particulièrement lorsque la tâche secondaire nécessite un certain niveau de ressources cognitives. En saturant le même réseau de neurones, cette nouvelle tâche qui vient détourner l’attention de l’enfant interfère avec des effets plus au moins variables, qui peuvent aller de la difficulté de compréhension ou de mémorisation jusqu’au trouble de l’apprentissage.

Face aux enjeux d’instantanéité et d’urgence de notre société moderne, dont on voit mal comment ils pourraient faiblir, il est important d’éduquer nos enfants à l’attention dès leur plus jeune âge. Autant de conseils que l’on devrait également faire nôtres…

Chaque jour, il est important de savoir déterminer les tâches qui nous incombent et les prioriser. Pour cela, vous pouvez initier votre enfant au système de listes de tâches en fonction de son agenda personnel. En effet, séquencer les tâches en se donnant un objectif après l’autre est une habile manière de lui apprendre à focaliser son esprit sur une tâche déterminée pendant une durée déterminée. Et de s’accorder des instants de pause à des moments opportuns ! Pour éviter de se déconcentrer à la moindre sollicitation, on n’hésite pas à mettre systématiquement son portable en mode « avion » ou « Ne pas déranger ». Et si la consigne est trop difficile à respecter, smartphone et tablette restent sous la surveillance des parents le temps des devoirs…

Savoir résister aux sollicitations numériques est sans doute une lutte de tous les instants. Pourtant, s’obliger à ne pas consulter sur le champ les notifications reçues est un prérequis indispensable à des conditions de travail saines. Côtés parents, pensez à rendre votre boîte mail indisponible avec les réponses automatiques. Vous pouvez également choisir de ne consulter votre boîte mail qu’à heure fixe ou 3 fois par jour, par exemple. N’oubliez pas les vertus de l’exemple et du mimétisme sur la bonne collaboration de votre progéniture. Côtés enfants justement, on les aide à couper toutes les notifications de leur portable ou de leur tablette. A priori, le monde ne devrait pas cesser de tourner s’ils ne répondent pas dans la minute à 100% des messages reçus…

S’offrir des instants d’exclusivité sans technologie auprès de sa famille ou de ses amis n’a pas de prix. Pour instaurer ce droit à la déconnexion, établissez des horaires sacrés pour tous où l’on ne touche pas à son portable. Au-delà du plaisir de se retrouver en famille, les moments off sont des pauses indispensables pour le cerveau des adultes comme celui des enfants. Car c’est lorsque le cerveau est au repos que le réseau par défaut prend le relais pour amorcer son travail de construction et de synthèse de la mémoire. Plus qu’une nécessité familiale, les moments de déconnexion sont donc un besoin vital pour le cerveau !


  • L’omniprésence des outils numériques a pour conséquence de développer chez les enfants comme les adultes une pensée zapping.
  • Le multitâche coûte en temps, en énergie et en performance.
  • Le temps de concentration sur les écrans n’est que de quelques secondes.
  • Il faut apprendre aux enfants à résister aux sollicitations lorsqu’ils doivent se concentrer sur leurs devoirs notamment.
  • Le droit à la déconnexion est un besoin vital du cerveau.

L’application mobile Alma Studio propose aux enfants de 2 à 10 ans des centaines d’histoires contées par des talents tels que Ahmed Sylla, Eric Judor, Gad Elmaleh, Joey Starr ou encore Virginie Efira et mises en musique par le célèbre DJ Martin Solveig. La particularité ? L’extinction de l’écran dès le début de l’histoire pour se plonger dans l’histoire sans être tenté d’en changer dès les premières secondes.