Pistage parental numérique : faut-il vraiment surveiller son enfant ?

Pistage parental numériqueContrôle parental, logiciel espion, tracker, outil de géolocalisation : surveiller le portable ou la tablette de son enfant est devenu monnaie courante. Si cette attitude est souvent mue par de la bienveillance, est-elle vraiment sans conséquences sur la relation parent-enfant ? Comment nos jeunes perçoivent-ils le fait d’être sous surveillance permanente ? Est-ce réellement notre seul moyen, en tant que parents, de faire l’éducation numérique de nos adolescents ? Mon enfant et les écrans fait le point sur une pratique très (trop?) intrusive !

Banaliser la surveillance numérique

Selon une enquête Ipsos réalisée pour l’Observatoire de la Parentalité et de l’éducation numérique et l’Unaf début 2022, 4 parents sur 10 déclarent avoir déjà utilisé un logiciel espion pour surveiller leur enfant. Un chiffre en constante augmentation !

Que peut-on faire avec un logiciel espion ?

Quel que soit l’outil que vous utilisez, les logiciels espions permettent en général d’agir sur le téléphone de votre enfant à son insu. Lire ses SMS, surfer sur ses réseaux sociaux, consulter son historique de navigation, vérifier sa liste d’appels, enregistrer ses mots de passe ou encore écouter ses conversations téléphoniques : autant d’intrusions dans la vie privée de votre enfant qui sont désormais rendues possible par les nouvelles technologies.

Pourquoi utiliser un logiciel espion ?

Surveiller son enfant relève la plupart du temps d’une manifestation excessive du besoin des parents d’être omniprésents. Dans un contexte anxiogène où les médias nous rappellent sans cesse la violence du monde qui nous entoure, les parents tentent de protéger leur progéniture contre tous les dangers potentiels, y compris ceux rencontrés sur Internet. Espionner son enfant répond alors davantage au besoin d’apaiser sa propre angoisse. Une illusion de contrôle réconfortante !

Est-ce réellement utile d’utiliser un logiciel espion ?

Au même titre que fouiller la chambre de son enfant ou lire son journal intime, éplucher son portable place le parent dans une situation inconfortable. S’il n’y a rien à découvrir, vous sentirez-vous rassuré pour autant ? Et jusqu’où pousserez-vous le curseur de la surveillance à l’avenir ? D’un autre côté, si vous découvrez quelque chose de grave sur votre enfant à son insu, comment aborderez-vous la question avec lui ? Et comment réussirez-vous à continuer à le surveiller par la suite ? Autant de questions qu’il convient de se poser avant d’utiliser un logiciel espion…

Quelles peuvent-être les conséquences de l’utilisation d’un logiciel espion ?

Comment expliquer à un enfant qu’on le surveille pour un outil qu’on lui a soi-même mis entre les mains ? Cette réflexion est d’autant plus vraie que les enfants reçoivent leur premier smartphone de plus en plus jeune. Selon une étude Médiamétrie, l’âge moyen pour être équipé est de 9 ans et 9 mois et 65% des 11-14 ans possèdent déjà un appareil.

Freiner le développement de l’autonomie

En tant que parents, nous avons connu une époque où l’on devait se donner rendez-vous à une heure et une adresse exactes sans avoir la possibilité de se joindre constamment. Le téléphone portable ainsi que tous les autres modes de communication connectés nous ont déshabitués de ces efforts logistiques contraignants. Mais le revers de la médaille est qu’ils nous ont également privé de favoriser l’autonomie de nos enfants et de les amener à un détachement progressif. Par là-même, ils entretiennent un cordon ombilical virtuel qui ne leur rend pas service. Nos jeunes doivent apprendre à résoudre seuls certaines situations. À nous, en tant que parents, de trouver le juste équilibre entre confiance et risque !

Nuire à la relation de confiance

Utiliser un logiciel espion à l’insu de son enfant peut lui renvoyer de manière involontaire un message négatif. Il n’est pas rare que les adolescents interprètent cette attitude comme un manque de confiance à leur égard et qu’ils se sentent trahis. Or, la relation de confiance avec ses parents est un pilier fondamental du développement personnel des enfants. Le pistage parental peut venir saper cette confiance et pousser les jeunes à adopter en retour un comportement subversif, entre mensonges et cachotteries. S’il est important de garder un œil sur les fréquentations de son enfant ou sur les sites qu’il consulte, cette surveillance doit se faire en toute transparence dans le cadre d’un dialogue constructif avec son enfant. Accompagner et encadrer valent toujours mieux que pister !

Donner une vision faussée de la vie privée

Une étude du Commissariat à la Protection de la Vie Privée canadien vient alerter les parents sur les dérives d’une surveillance constante des enfants. Et notamment sur le fait de les habituer à croire qu’il est normal d’être surveillé. Une lecture faussée qui peut nuire à leurs relations sociales à l’âge adulte ! Pourtant, l’ONU a consigné le droit des enfants au respect de la vie privée dans l’article 16 de sa Convention relative aux droits de l’enfant. Loin d’être une coquetterie, ce droit s’inscrit dans un besoin profond et indispensable des adolescents de disposer d’un jardin secret et d’espaces d’intimité loin du regard parental. Pour les parents, le devoir de protéger leurs enfants ne saurait être synonyme d’un droit à tout contrôler.


L’essentiel

  • Il existe de nombreux logiciels espions facilement disponibles pour surveiller le smartphone ou la tablette de son enfant.
  • Utiliser un logiciel espion offre des fonctions très intrusives dans la vie privée de son enfant.
  • Surveiller son enfant constamment nuit à sa quête d’autonomie.
  • Une surveillance dissimulée peut rompre la confiance entre parents et enfants.
  • Les logiciels espions renvoient aux enfants une image dévoyée du bon usage de sa liberté privée.

Pour aller plus loin

Dans son rapport annuel publié le 17 novembre 2022, Claire Hédon, la Défenseure des droits, s’interroge sur comment protéger les enfants sans empiéter sur leur vie privée. Un podcast éclairant à retrouver sur France Inter !